Photographe: Veronique Moisan

Edwin, mon chien de thérapie, fait tranquillement le tour des élèves assis en rond. L’un d’eux s’exclame : « Il y a plus de deux mains sur Edwin. Regarde ses yeux, il ne se sent pas bien. On devrait enlever nos mains. ». Cet élève a un trouble du langage et un TDAH. Depuis le début de l’année, il refuse de participer aux leçons. Avec Edwin, il sort enfin de sa coquille et prend conscience du langage non-verbal de mon partenaire canin. Avant de quitter la classe, il me fait un gros câlin. À partir de ce moment, il participe en classe et il me demande des nouvelles d’Edwin régulièrement. 

Une recherche différente

L’expérience positive vécue avec Edwin m’a encouragée à pousser plus loin l’initiative. J’ai donc choisi d’intégrer un chien d’assistance en milieu scolaire à ma pratique d’enseignement et de documenter cette approche grâce à une recherche doctorale. Dans les prochains mois, ce chien formé par la Fondation Mira m’accompagnera lors de mes leçons dans différents groupes d’élèves âgés entre 7 et 14 ans. L’objectif visé n’est pas seulement de l’associer à quelques élèves à besoins particuliers, mais bien de l’intégrer en tant que membre actif de l’école. Ce projet me permettra d’étudier les retombées de sa présence sur le développement global des élèves en contexte d’inclusion scolaire.

Sommes-nous réellement en inclusion scolaire?

L’UNESCO fait la promotion d’une éducation inclusive offrant des opportunités d’apprentissage optimales à tous les élèves, indépendamment de leurs particularités (2009). Depuis plus de 50 ans, le Canada a passé progressivement de l’intégration des élèves ayant un handicap à l’éducation inclusive (Conseil supérieur de l’éducation, 2017; Rousseau, 2015). Malgré les politiques d’inclusion présentées par les ministères de l’éducation, on constate que les pratiques de nos écoles sont encore en mode d’intégration scolaire (Bergeron, 2014). Nos classes devraient être un environnement flexible permettant à tous les élèves de s’épanouir académiquement et socialement afin d’atteindre la réussite éducative, soit une réussite surpassant les notes. Malheureusement, malgré le discours des spécialistes, on observe que les pratiques dans les écoles visent encore principalement la réussite académique.

« L’inclusion scolaire n’est pas un programme d’enseignement, c’est une mentalité. » – Lisa Friedman (traduction libre)

L’enseignement assisté par l’animal

Une approche innovante de plus en plus utilisée dans le milieu scolaire est l’enseignement assisté par le chien (EAA), une forme de zoothérapie. Elle se caractérise par l’utilisation d’un animal en tant que médiateur à la thérapie (Mongeon, 2014) où l’élève, l’enseignant et l’animal créent une relation en triangle avec des objectifs précis afin d’atteindre des buts préétablis (IAHAIO, 2014). Parmi les animaux utilisés, le chien est l’animal de prédilection puisqu’il est facile à entraîner, a une grande capacité d’adaptation, est généralement attiré vers les interactions et a un statut d’animal familier auprès de la plupart des gens. Les bénéfices de la présence de tels chiens pour les enfants sont nombreux : meilleure attention, plus grand sentiment d’appartenance et d’estime de soi, diminution de l’anxiété, augmentation du bien-être à l’école, meilleure intégration des enfants à besoins particuliers, etc. Toutefois, peu d’études sont répertoriées sur le sujet. Malgré la bonne volonté des pédagogues, le manque de formation, de préventions et de connaissances peuvent engendrer des risques au niveau de la sécurité et du bien-être des membres de la communauté scolaire, ainsi que de l’animal partenaire utilisé.

Des chiens d’assistance à l’école

Les chiens d’assistance sont un moyen de  pallier à un handicap ou à une condition physique ou cognitive. Dans certains cas, ils peuvent contribuer à accroître l’autonomie et aider à améliorer le comportement, les interactions sociales et la sécurité des enfants atteints d’un trouble envahissant du développement (Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, 2013).

Dernièrement, certains organismes offrant des chiens d’assistance à des personnes vivant avec un handicap ont décidé de réorienter le travail de certains chiens afin qu’ils soient un partenaire d’intervention en thérapie ou enseignement assisté par l’animal, notamment Kingston 4 Paws et la Fondation Mira. Depuis 2016, cette dernière a formé certains chiens destiné au milieu scolaire, une formation similaire aux chiens d’assistance pour enfants TSA. En août 2018, huit de ces chiens ont été placés dans les écoles du Québec et leur nombre continue d’augmenter. Un pont est désormais créé entre le monde des chiens d’assistance et celui de l’enseignement assisté par l’animal et nous aurons la chance d’en être de fiers représentants.

La vidéo suivante démontre un exemple de travail effectué par un chien de réadaptation en milieu scolaire à Lévis (Québec). 

Si vous désirez suivre nos aventures, voici la page Facebook du projet.

Si vous songez vous aussi vous plonger dans l’aventure de la zoothérapie, je vous suggère fortement ces lectures et liens internet :

  • Pour bien comprendre les définitions de la zoothérapie: Livre blanc de l’IAHAIO 
  • Un excellent livre (en anglais) faisant un bilan des recherches empiriques portant sur les effets des animaux sur l’apprentissage des élèves: « How Animals Help Student Learn », édité par Nancy Gee, Aubrey Fine et Peggy McCardle 
  • Kingston 4 Paws – Programme « Canine assisted intervention Dogs » (programme formant des chiens pour les interventions assisté par le chien)

*Merci de noter que les chiens de famille, les chiens de thérapie et les chiens d’assistance ne sont pas équivalents. Seuls les chiens d’assistance formés afin de répondre à un handicap ont un accès illimité aux lieux publiques selon la loi. Les chiens de thérapie ont accès à certains lieux publiques où ils offrent un service, et ce, sous certaines conditions établies par le milieu d’accueil.

Prétendre qu’un chien de famille est un chien d’assistance est un crime puni par la loi, et peut nuire à un bénéficiaire de chien d’assistance ou le mettre en danger.*

Écrit par Virginie Abat-Roy.

Référence
Bergeron, G. (2014). Le développement de pratiques professionnelles inclusives: le cas d’une équipe-cycle de l’ordre d’enseignement secondaire engagée dans une recherche-action-formation (thèse de doctorat), Université du Québec à Trois-Rivières.

Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec (2013). Le chien d’assistance et le chien guide: Au service des personnes en situation de handicap. Repéré à: http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/depliant_chien-guide.pdf

Conseil supérieur de l’éducation. (2017). Pour une école riche de tous ses élèves: S’adapter à la diversité des élèves, de la maternelle à la 5e année du secondaire (Publication no. 978-2-550-79445-5). Repéré à: http://www.cse.gouv.qc.ca/fichiers/documents/publications/Avis/50-0500.pdf

International Association of Human-Animal Interaction Organizations (IAHAIO). (2014). Livre Blanc de l’IAHAIO: Définitions concernant les Interventions Assistées par l’Animal et les recommandations pour assurer le bien-être des animaux associés à ces activités (traduit par Licorne & Phénix, association française pour la médiation animale en 2015). Repéré à: http://iahaio.org/wp/wp-content/uploads/2017/05/iahaio-white-paper-2014-french.pdf

Mongeon, S. (2014). L’impact de la thérapie assistée par l’animal auprès des personnes souffrant d’un trouble psychotique et d’un trouble d’abus de substances (Essai de maitrise, Université de Sherbrooke). Repéré à: https://www.usherbrooke.ca/toxicomanie/fileadmin/sites/toxicomanie/documents/2e_cycle_Maitrise/Essais_synthese/Therapie_assistee_par_l_animal_ Sophie_Mongeon.pdf

Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO). (2009). Principes directeurs pour l’inclusion dans l’éducation. Paris, France: Auteur.

Rousseau, N. (2015). La pédagogie de l’inclusion scolaire, pistes d’action pour apprendre tous ensemble. Québec: Presses de l’Université du Québec.

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